La reconstruction et la valeur historique
Les professionnels du patrimoine sont indispensables pour
améliorer les connaissances sur les lieux historiques nationaux. La
recherche historique et archéologique est essentielle pour
déterminer l'importance d'un lieu historique et ses
caractéristiques particulières. Les décisions prises par les
professionnels du patrimoine peuvent elles aussi modifier la
représentation d'un lieu de façon importante. Parfois, la
représentation en elle-même a de la valeur, ce qui est notamment le
cas de plusieurs des premières reconstitutions de lieux historiques
nationaux effectuées au Canada. En effet, il a été établi que la
valeur patrimoniale de plusieurs de ces lieux réside non seulement
dans leur valeur historique, mais aussi dans le fait qu'ils
témoignent des premières méthodes de conservation employées au
pays.
Suivant l'exemple du New Deal du président Roosevelt aux
États-Unis, le gouvernement du Canada adopte la Loi sur la
construction d'ouvrages publics en 1934. Malgré l'économie
chancelante, cette loi permet l'investissement à l'échelle
provinciale et nationale d'importantes sommes dans de grands
projets de reconstitution qui permettront de créer des emplois et
de stimuler le tourisme, et ainsi de redynamiser des secteurs de
l'économie durement touchés. Le succès économique et la popularité
que connaissent les reconstitutions de lieux au sud de la
frontière, comme le fort Ticonderoga, au lac Champlain, reconstitué
en 1907, et Colonial Williamsburg, qui a ouvert ses portes en 1933,
encouragent la réalisation de projets semblables au Canada.
L'augmentation du nombre d'archéologues et d'historiens
professionnels au pays amène les gens à penser que suffisamment de
données pourront être recueillies pour recréer fidèlement les lieux
patrimoniaux, mais cette théorie ne s'avère pas toujours vraie.
En 1917, la réserve militaire Fort Anne, située à Annapolis Royal, en
Nouvelle-Écosse, devient un parc du Dominion sous la gouverne du
ministère de l'Intérieur. Cette réserve était protégée localement
depuis 1886, alors que l'expansion du chemin de fer fait prendre
conscience de sa valeur pour l'industrie touristique émergente. Le
fort a joué un rôle important dans la colonisation par les
Européens, les premiers établissements et la formation du
gouvernement en Acadie et en Nouvelle-Écosse au cours des
XVIIe et XVIIIe siècles, et a été au cœur des
fluctuations qu'ont subis les relations sociales, politiques et
militaires entre les Micmacs, les Acadiens et les Anglais de la
région. En 1934-1935, les quartiers des officiers britanniques ont été
rigoureusement restaurés au point où on les considère aujourd'hui
comme entièrement reconstitués. Les anciennes casernes de bois ont
été transformées en un musée attrayant et efficace, et leur
structure de bois a été remplacée par du béton coulé. En 1984, un
plan a été soumit qui recommandait la reconstitution de l'extérieur
et une partie de l'intérieur ont selon l'aspect qu'avait le fort en
1835. Le projet a été présenté au Bureau d'examen des édifices
fédéraux du patrimoine en 1988, qui a décidé de reconnaître le
bâtiment comme l'un des premiers exemples réussis de conservation.
Le projet n'a toutefois pas été mis en œuvre, parce qu'il aurait
effacé les véritables caractéristiques du bâtiment qui le rendaient
digne d'être préservé.
Le lieu historique national du Fort-George a été construit par les Anglais en
1796-1799. Situé à Niagara-on-the-Lake, en Ontario, il a servi de
principale fortification dans la péninsule du Niagara durant la
Guerre de 1812 et a été détruit par les Américains en 1813. En
raison de sa valeur historique, il a été désigné lieu historique
national en octobre 1920. Le fort George a été reconstitué plus
tard, dans le cadre d'un projet de création d'emplois artificiels
de la Commission des parcs du Niagara. La reconstitution était
inexacte parce que plusieurs des décisions prises visaient à
répondre à des exigences pratiques et à
donner au bâtiment un aspect romantique plutôt qu'à lui redonner
son style géorgien d'origine, plus contrôlé et ordonné.
L'architecte en chef du projet a repéré les erreurs et essayé de
les corriger, mais sans succès. En 1991, le lieu a été révisé, et
cette nouvelle représentation a été considérée digne de
commémoration.
Ces lieux sont un excellent exemple de lieux comportant plus
d'une représentation ainsi que de l'importance d'évaluer
l'historique d'un lieu dans son ensemble, car l'histoire des
mesures patrimoniales entreprises ont elles-mêmes une valeur.